Édition du mercredi 18 octobre 2017
Frédéric Bierry : « Les départements attendent un geste du gouvernement »
© D.R.
A la lecture du rapport de la Cour des comptes sur l’équilibre financier des départements, on se demande s’ils ont encore les moyens d'être chefs de file des politiques sociales ?
Seuls les départements peuvent l'être car nous possédons l'expertise sur les personnes les plus fragiles ou les plus démunies, qu’il s’agisse de la protection de l'enfance, des maisons départementales du handicap ou encore de l’hébergement et du maintien à domicile des personnes dépendantes. Nous comptons plus d'un million de travailleurs sociaux. S'ajoute le réseau associatif avec lequel nous travaillons au quotidien.
Vous avez la capacité d'agir mais les moyens suivent-ils ?
La problématique actuelle porte effectivement sur les moyens financiers de la solidarité nationale. Les conseils départementaux sont confrontés à une part de plus en plus importante de la dépense sociale à assumer. Le RSA a fortement augmenté ces dernières années. Cette hausse se stabilise aujourd’hui sous l'effet d'un double phénomène : les départements ont été plus actifs sur l'insertion et sur le contrôle. Mais nous voyons apparaître aujourd'hui un nouveau phénomène : l'explosion du nombre d'enfants placés, et notamment de mineurs non accompagnés (de jeunes migrants). Cela s'ajoute à la hausse des dépenses de l'APA que connaissent déjà certains départements et qui va s'accentuer.
La question revient donc à celle du financement du RSA, de l'APA et de la PCH pour les personnes handicapées qui vous opposait l’an dernier au précédent gouvernement. Où en êtes-vous avec l’actuel ?
Nous sommes dans une phase de rencontres avec les ministres pour leur faire prendre conscience des réalités sociales. Parallèlement, il s'agit également de voir les possibilités pour que la dépense sociale diminue.
Demandez-vous toujours la recentralisation du financement du RSA ou une meilleure compensation ?
Nous ne la demandons plus car 90 % des conseils départementaux n'en veulent plus. Nous avons pour beaucoup engagé des politiques pour améliorer l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA, en développant par exemple le tutorat. Dans le même temps, nous veillons à mieux contrôler ceux qui cherchent à profiter du système. C’est ce que j'appelle la bienveillance responsable. Or, si le RSA est recentralisé, nous perdons la main sur le versement de la prestation. Or, nous avons compris que dans une logique purement financière, on ne va pas au fond des problèmes. C'est dans l'accompagnement global des personnes que nous réussirons.
Qu'est-ce que pourrait signifier concrètement une meilleure compensation ?
Deux départements, le Nord et le Pas-de-Calais, travaillent sur des propositions de compensation du reste à charge sur le RSA. Nous devrons valider ces propositions. Nous travaillons en parallèle sur la compensation des MNA avec l'Etat. Nous espérons pouvoir obtenir que les départements les plus en difficultés bénéficient de compensations plus fortes. Nous attendons un geste du gouvernement.
La réduction des emplois aidés affecte-t-elle l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA dont vous avez la responsabilité ?
L'Etat a, jusque-là, sanctuarisé les emplois aidés des publics les plus fragiles. L’impact sur les bénéficiaires du RSA ou sur les personnes handicapées n'a donc pas été trop important. Néanmoins, nous sommes inquiets pour plusieurs raisons : des associations équilibrent leur budget grâce à ces contrats et les bénéficiaires de ces contrats auront peu de chance de trouver un emploi classique si personne n'a avantage à les employer. Ils risquent par conséquent de perdre tout débouché vers l'emploi, augmentant le nombre de bénéficiaires du RSA. J'entends que l'on dise que ces contrats ne sont pas la solution, mais à condition que l'on propose autre chose. Je prépare un rapport sur l'emploi pour l'ADF qui creuse l'idée d'un travail universel qui permettrait que tout le monde soit en emploi mais en tenant compte des capacités des personnes. A défaut, nous nous priverons de beaucoup de talents.
Propos recueillis par Emmanuelle Stroesser
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